Mahamat-Saleh Haroun, réalisateur de "Grigris" : "Un film de danse qui bascule dans le milieu des trafiquants"

Par Laurent Rigoulet /// Télérama
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© Pili Films, photo : Frank Verdier

Un danseur handicapé enflamme les nuits de N'Djamena dans "Grigris", le nouveau film du réalisateur Tchadien, Mahamat-Saleh Haroun, qui pose ici les bases d'un cinéma made in Africa. Entretien.

Le 08/07/2013 à 16h45

Après avoir remporté le Grand Prix du jury à Venise en 2006 (Daratt), puis le prix du jury à Cannes en 2010 (Un homme qui crie), Mahamat-Saleh Haroun était de retour en compétition cette année, sur la Croisette, avec Grigris qui fait se rencontrer un danseur handicapé, une prostituée métisse et des trafiquants d'essence dans la nuit de N'Djamena.

Né en 1961, le cinéaste tchadien est la figure de proue d'une nouvelle génération qui aimerait enfin poser les jalons d'un cinéma 100% made in Africa. Produit (en partie) avec des fonds tchadiens, Grigris est tourné dans les rues de N'Djamena et sa sélection cannoise devrait aider à la création de l'école de cinéma dont le cinéaste défend le projet depuis quelques années.

Vous vous êtes toujours battu pour produire et diffuser vos films en Afrique, les choses avancent-elles?
Oui. Et les sélections cannoises sont d'une grande aide. Après le prix [du jury, ndlr] d'Un Homme qui crie, le retentissement a été tel que l'état tchadien a investi, pour la première fois, quelques centaines de milliers d'euros dans la production de Grigris. C'est une grande avancée. Et la présence du film en compétition permet d'enfoncer le clou et de reparler de notre projet d'école de cinéma, dont la construction pourrait commencer en 2014.

Il est primordial, pour nous, de former des jeunes à tous les métiers du cinéma, de l'écriture au montage, pour que nous puissions réaliser des films chez nous, sans être tenus de faire appel à des techniciens étrangers. Ça réduirait les coûts de fabrication, bien sûr, mais ça permettrait aussi de réunir autour d'un projet de film des gens d'une même culture, et pas seulement cinématographique. Si les cours commencent en 2015, rendez-vous en 2020, quand une génération arrivera à maturité. Il faut que l'Afrique noire se crée une économie du cinéma - pour l'instant, on fête le septième art dans les festivals comme le Fespaco [festival panafricain du cinéma et de la télévision,ndlr] à Ouagadougou, mais on n'a toujours pas de structures et de techniciens dignes de ce nom.

Vos films sont montrés au Tchad à présent?
En 2011, nous avons pu fêter l'ouverture d'une salle à N'djamena qui en était privée, le Normandie, fermée depuis trente ans. On se trouve enfin connectés au monde. On a pu voir Django Unchained de Tarantino, par exemple, en même temps que le reste de la planète. Et Grigris y sort le 10 juillet, comme en France... J'ai aussi pu organiser une avant-première tchadienne avant la projection cannoise. Mine de rien, ça déplace le curseur dans l'esprit du public qui, pendant longtemps, a entendu parler de mes films, ou de bien d'autres, sans les voir. Les choses avancent, c'est indéniable. Mais c'est un combat difficile. Et solitaire.




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