Une entreprise casablancaise entame un ambitieux projet de rénovation et d'exploitation des salles de cinéma au Maroc. Si le modèle économique fonctionne, plus de 50 établissements rouvriront leurs portes en 2020.

Qui a dit que culture et entreprise ne faisaient pas bon ménage ? Depuis juin 2010, deux hommes, Redouane Bayed et Nour-Eddine Lakhmari, s'acharnent à prouver le contraire. Le premier est un businessman prospère, spécialisé dans les transactions électroniques.
Le deuxième est un cinéaste à succès. Après le carton de Casanegra, il apporte actuellement les dernières retouches à son nouvel opus, Zéro. Il y a quelques mois, les deux partenaires ont lancé Timlif Productions. Une société spécialisée dans les métiers de l'image, de l'écriture à la distribution en passant par la production et qui ambitionne de signer sept longs métrages à l'horizon 2015. Jusque-là, rien de bien exceptionnel. Mais depuis quelques semaines, la jeune entreprise s'est lancée sur un nouveau terrain assez inattendu : la rénovation et l'exploitation de salles de cinéma. La démarche a même déjà séduit une dizaine d'établissements qui s'apprêtent ainsi à faire peau neuve avant la fin de l'année 2012.

Economique avant tout
Dans les locaux de l'entreprise à Casablanca, on prend le projet très au sérieux. Ici, on parle de business model, de foncier et de viabilité économique. "Il n'y a aucune logique de mécénat ou de militantisme culturel dans ce projet, tranche Redouane Bayed. Il s'agit d'un grand projet économique autour du cinéma qui, pour se développer, a besoin de cette dimension industrielle". Une étude stratégique a même été menée avant le lancement du projet. Elle a démontré, selon les initiateurs, le potentiel extraordinaire que renferme le secteur. "Aujourd'hui, seulement 2,5 millions d'entrées sont enregistrées chaque année. C'est un chiffre qui peut doubler, voire tripler s'il existait une offre adéquate", affirme Bayed, dont la détermination semble inébranlable. Le piratage ? "C'est une arme à double tranchant. Certes, il cause beaucoup de mal à l'économie nationale, mais il a permis aux Marocains de se faire une culture cinématographique et de faire par eux-mêmes l'expérience frustrante d'un disque qui saute ou d'un film qui parle exclusivement en russe", ironise Bayed. La fermeture en cascade des salles de cinéma ? "C'est malheureux mais ces salles existent encore, avec, pour certaines, une forte valeur architecturale et historique. Une renaissance n'est donc pas impossible", rétorque-t-il. En tout, Timlif compte investir près de 300 millions de dirhams pour offrir une seconde vie à des salles qui tombent souvent en ruines.

L'arrivée du numérique
Pour cela, l'entreprise sort le grand jeu. Ses équipes ont sillonné le pays pendant plusieurs semaines, à la recherche des premiers partenaires. "Nous avons d'abord ciblé les grandes villes. Nous avons visité des salles qui sont de véritables bijoux architecturaux ou qui renferment des pans entiers de l'histoire de la cité", raconte Mohamed El Bawi, responsable de la stratégie chez Timlif. Résultat des courses : trois accords fermes ont été trouvés avec trois exploitants, dix autres sont en négociation.

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