Octobre 2003. Le Libéria sort à peine de 14 ans de guerre.
Monrovia, la capitale, est une ville dévastée, contrôlée par l'ONU. Dans le pays, vivent sans contrôle, des bandes d'enfants-soldats. Toutes sont dirigées par des chefs plus âgés, appartenant à deux mouvements rebelles en lutte contre le régime de l'ex-président Charles
Taylor : le LURD à l'Ouest et au Nord, le MODEL à l'Est.
A plus de 200 kilomètres de la capitale, c'est la jungle : les check-points abondent, le racket prospère. Dans les villes-fantômes, vidées de leurs habitants, qu'ils ont investies, des enfants surarmés, porteurs de kalachnikovs ou de lance-roquettes paradent. Ils jouent les fiers-à-bras et se vantent d'être celui qui aura le plus d'"ennemis", comme ils disent.
Janvier 2004. Autour de Monrovia se sont créés les premiers centres de réinsertion pour enfants - soldats. Des éducateurs tentent de ramener à une vie "normale" ces enfants dont les enfances ont explosé dans la violence et la sauvagerie. Pour la première fois, ces enfants parlent. Ils ont entre 10 et 17 et racontent en détail les exactions qu'ils ont commises. Pourquoi ils sont devenus soldats. Comment ils y ont été forcés ou comment ils ont choisi de se battre par esprit de vengeance. Ce besoin de parole a des allures de psychanalyse. Ce qu'ils disent est effrayant, monstrueux. Mais ne pas l'écouter serait dangereux. Ce serait nier que làbas, au fin fond de l'Afrique, des enfants ont eu leurs vies brisées et qu'il y a un espoir de pouvoir les reconstruire.
"Ces enfants sont-ils des victimes ou des bourreaux ? Sont-ils les héritiers des massacreurs hutus du Rwanda et des Waffen SS des camps d'extermination nazis ? Faut-il porter un jugement moral sur ce qu'ils ont fait ? Faut-il infliger une sanction à ces enfants qui avouent naturellement avoir tué ?,,, Je crois qu'il faut les écouter en se disant que cela ne doit plus se reproduire et qu'il nous faut aider à ce que cela ne se reproduise plus. C'est cela croire en l'avenir de l'humanité."
Francois Margolin