"Tout cela a duré moins d'une minute. On a eu huit à dix secondes pour prendre une décision. Quitter l'endroit ou rester. Très rares sont ceux qui ont fait un bon départ. On s'est retrouvés à plat ventre, au centre de la cour. Sous les arbres. La terre s'est mise à onduler comme une feuille de papier que le vent emporte. Bruits sourds des immeubles en train de s'agenouiller. Ils n'explosent pas. Ils implosent, emprisonnant les gens dans leur ventre. Soudain, on voit s'élever dans le ciel d'après-midi un nuage de poussière. Comme si un dynamiteur professionnel avait reçu la commande expresse de détruire une ville entière sans encombrer les rues afin que les grues puissent circuler."
Le 12 janvier 2010, Dany Laferrière se trouve à Haïti pour le festival "Etonnants voyageurs". Comme tant d'autres, il est pris dans le tremblement de terre. Au contraire de tant d'autres, il réchappe à la catastrophe. Un an après, dans Tout bouge autour de moi, il témoigne de ce qu'il a vu - sur le moment, puis quelques semaines plus tard, à l'occasion d'un retour en Haïti. Sans pathos, sans lyrisme. Des "choses vues" qui disent l'horreur, mais aussi le sang-froid des Haïtiens. Que reste-t-il quand tout est tombé ? La culture. C'est par elle et grâce à elle que, aussitôt, ils résistent au découragement. Les marchands d'art recommencent à exposer leurs tableaux, dans la poussière, au gré du vent. Les gens racontent, suivant la tradition d'oralité si chère au pays. Les amis sont là, et la solidarité internationale. Et cette étrange télévision qui, pour nourrir sa présence 24 heures sur 24, crée des "pillages" qui n'existent pas, du romanesque s'ajoutant au drame. Dany Laferrière y oppose la littérature. Ce qu'elle voit, ce qu'elle peut dire, sans mensonge. Pour lui, ce tremblement de terre "est un événement dont les répercussions seront aussi importantes que celles de l'indépendance d'Haïti, le 1e janvier 1804". Et si, d'un mal il faut tirer un bien, ne peut-on pas dire qu'il a placé Haïti, et pour longtemps, au cœur du monde ?