Objet d'explorations et d'expéditions européennes jusque dans la première moitié du XIXe siècle, l'Afrique du Nord devient après 1870 un enjeu stratégique pour des intérêts français et allemands concurrents. Ce passage parfois imperceptible de la collaboration à la rivalité n'a pas été sans conséquences en matière de savoirs. Rassemblant douze contributions d'auteurs travaillant en Allemagne, en France et au Maghreb, cet ouvrage rappelle l'intérêt persistant des voyageurs et savants allemands pour l'Afrique du Nord, du botaniste Johann Hebenstreit envoyé en mission par la cour de Dresde à la fin du XVIIIe siècle à l'ethnologue Leo Frobenius, financé par le Kaiser en personne, qui parcourt le Maroc et l'Algérie à la veille de la Grande Guerre. Il rappelle l'importance de la référence allemande en Afrique du Nord au XXe siècle. Les jeunes lettrés musulmans dont le patriotisme s'est progressivement transformé en un nationalisme opposé à la puissance coloniale française ont pu chercher dans la prestigieuse production savante d'une puissance adverse de la France un moyen d'affirmer leur émancipation - ainsi dans la vision prophétique d'un Oswald Spengler affirmant après la Grande Guerre le Déclin de l'Occident.

Frobenius Leo, allemand, ethnologue