"Le vieux approchait. Le Mur accéléra pour le croiser à la hauteur du parking souterrain. Tape pas trop fort George, va pas le tuer, l'ancêtre, reste calme. Bendjema s'arrêta et redressa. Qu'est-ce qu'il fout, bordel ? s'inquiéta le boxeur en ralentissant.
C'était un sac d'os. Autour des yeux, au-dessus des pommettes hautes, des rhizomes de rides profondes.
Les lèvres de l'Arabe tremblèrent :
- Qui vous envoie, monsieur ?
Crozat était pétrifié. Une fatigue centenaire embrumait le regard du vieux.
- Vous ne savez pas ? Si vous voulez, je peux vous expliquer. Depuis le tabassage d'Alain Dulac, je savais que je serai le suivant.
- Vous avez une arme dans votre poche ?
- J'ai bien plus que cela, monsieur, j'ai une guerre."
Un voyage âpre dans le temps : 1957-2009. Dans les mois qui précédèrent sa mort, le père s'était décidé à dire son " refus " de partir pour l'Algérie, et la sanction qui s'ensuivit : l'affectation dans un DOP, un de ces lieux destinés à la " recherche du renseignement par la torture ".
Le talent d'Antonin Varenne a fait le reste. Un exercice sur le fil de l'émotion et du besoin d'exorciser.
Le Mur, le Kabyle et le marin... Un combat contre l'oubli. 2009. Sur un ring, un boxeur observe sans complaisance l'adversaire qu'il va affrontrer, un gamin de vingt ans...
Faisant fi du manichéisme, le roman bouleverse par la justesse du plus humble de ses personnages, comme par son intuition des rêves d'une génération saccagée.