A l'instar de nombreux pays post-coloniaux, l'Algérie subit des phénomènes d'acculturation. Ceux-ci transforment la société et entraînent des problèmes psychologiques dans la personnalité des individus, et partant de là, des relations conflictuelles. En fait, les mécanismes d'acculturation sont à l'origine de discordances dans le système de normes de référence. Le terrain est alors propice au développement, chez les sujets, d'un double conflit : intra et interpersonnels. D'une manière générale, pour planter le décor, nous dirons que l'Algérien est partagé entre la culture européenne, à tendance moderne véhiculée par les mass media, et celle arabo-islamique à tendance traditionnelle véhiculée par les "valeurs-refuge". La prégnance des modèles familiaux inscrits dès la prime enfance va façonner la personnalité de l'individu. Puis, l'école, en tant que lieu d'inculturation, doit prendre le relais de la famille. Certaines fois, le relais est mal pris. Il y a rupture entre le milieu familial et celui scolaire, et ce, en raison de la substitution de la langue et des valeurs véhiculées par la famille, au profit de celles inculquées par le milieu scolaire sous l'emprise des directives de l'Etat. Pour les jeunes - et les moins jeunes -, l'horizon est bouché. L'absence de repère fait que la personne reporte sa confiance sur un autre pouvoir. La confiance change donc de support et l'efficience change de camp. Le besoin de racines entraîne un retour aux sources, et pour la frange berbère de la population algérienne, la quête de l'identité passe par la langue d'origine : "Tamazight". C'est dans la chanson kabyle que les jeunes trouveront celui qui fera figure de proue, celui qui sera leur credo. C'est Lounès Matoub qui apparaîtra, en effet, comme le symbole de la résistance des jeunes, le porteur du flambeau de leurs espoirs. Il existe donc, semble-t-il, un rapprochement entre le conflit intrapersonnel et celui interpersonnel. L'orientation peut aller de l'un vers l'autre, à partir des multiples représentations symboliques imposées par le groupe familial et le groupe social sous la pression du système de normes de référence. Ainsi, la frustration que vivent les Algériens, en grande majorité, engendre la souffrance. Devenue intolérable, elle peut donner lieu à l'explosion de la violence dans une gradation selon les événements extérieurs : les émeutes "pré-insurrectionnelles" de la Kabylie fin avril 2001 en attestent. Du penser au dire, du dire à l'agir - soit du sentiment au ressentiment -, le pas, voire le faux-pas, dans l'émotionnel est vite franchi. Il y a lieu de mettre un terme aux stratégies identitaires, aux parades mortifères... Une vision plus élargie de l'univers, à l'heure de la mondialisation, passe entre autres nécessités par le plurilinguisme, l'interculturalité, la transculturalité, source d'enrichissement mutuel. En faire fi aurait pour conséquence d'accentuer le blocage de la dialectique du mouvement historique de la société algérienne dans sa globalité.