Préface : Aminata Traoré
L'époque d'un humanitaire qui ne serait qu'occidental est révolue. Les équilibres mondiaux ont changé explique Pierre Micheletti, dans son ouvrage : 40 ans d'humanitaire : s'adapter ou renoncer.
Chaque pays revendique la prérogative de gérer les aides extérieures, il le fait pour de bonnes ou de mauvaises raisons : Les bonnes correspondent à un souci tout à fait respectable de coordonner l'aide qui intervient sur leur territoire. Les mauvaises peuvent être de tout faire pour que cette aide ne bouscule pas l'isolement politique dans lequel ils veulent maintenir une certaine frange de la population.
Il y a quarante ans naissait "l'humanitaire-médias" pour le meilleur et le pire. Pierre Micheletti revient sur la catastrophe du Biafra qui marque l'émergence d'une nouvelle génération d'humanitaire.
La guerre du Biafra n'est pourtant pas dénuée d'ambiguïté pour le jeune mouvement humanitaire qui y prend naissance. En publiant le 27 novembre 1968 une tribune dans le Monde, Max Récamier et Bernard Kouchner transgressent la loi du silence édictée par la Croix rouge internationale. Cette médiatisation va permettre aux humanitaires, en alertant l'opinion publique et les gouvernements, de jouer un rôle jusqu'alors réservé aux diplomates et aux militaires.
Il analyse également l'action humanitaire, aujourd'hui confrontée à un recul dans sa capacité à accéder aux victimes lors des catastrophes naturelles ou face aux radicalisations ethniques et religieuses.
Les derniers événements montrent à quel point certains pays, comme l'Afghanistan, le Pakistan… sont devenus les terres d'expression des tensions entre l'occident et le monde arabo-musulman.
En 2005, lors du tsunami, l'Inde refusera les aides humanitaires. Au printemps 2008, la Chine accepte la solidarité mondiale mais décline l'assistance des équipes étrangères dans les zones sinistrées et la Birmanie refuse la présence des experts internationaux. L'action humanitaire se heurte alors aux fiertés nationales et à l'autoritarisme des régimes.
Selon lui, une confusion des images, liée aux interventions conjointes entre forces armées occidentales et humanitaires, entrave l'aide humanitaire. Cette confusion a été alimentée par l'intervention des forces armées qui développent des actions de type civilo-militaire comme au Rwanda en Somalie et au Kosovo… Ces différents mécanismes aboutissent à une perte de l'immunité dont bénéficiaient jusqu'à présent les ONG.
Dans son ouvrage, Pierre Micheletti propose une réflexion sur le rôle des acteurs de la société civile dans les actions de solidarité internationale. Il analyse la capacité des mouvements humanitaires à dépasser les difficultés créées par les tensions économiques, politiques et géostratégiques. Il s'interroge sur l'efficacité et les conditions à porter secours aux populations dans le respect des principes d'indépendance et d'impartialité. Apparaît alors la question du positionnement national ou international de l'humanitaire pour les années à venir.