"Ma patrie, c'est le peuple. Notre pays, c'est l'esprit."
Ödön von Horváth (1938)
Aux peuples du Proche-Orient victimes de la barbarie,
avec une pensée particulière et affectueuse aux artistes du Théâtre Shams de Beyrouth

Oser le rire
Oser le rire quand les temps n'incitent pas à la franche rigolade (par exemple : le Proche-Orient, les proches banlieues et, dans un autre registre, la mort annoncée, possiblement, du Ministère de la Culture). Pas de quoi se marrer.
Oser le rire quand la vulgarité brutale, dans les plus hautes sphères, vient se poser en modèle de comportement sociétal et politique. Oser le rire et oser en rire.
Il faut de grands poètes pour nous y aider. Cette histoire de sans papiers, dans Allers-retours, n'est pas spécialement désopilante. Ce genre de drame, on voit ça tous les jours dans nos contrées et dans nos quartiers.
Mais le rire critique, lorsqu'il se nourrit de l'intelligence collective, peut se révéler une arme redoutablement subversive : il est l'arme des peuples.
Voilà pourquoi il nous semble que Ödön von Horváth, qui ose le rire sur un tel sujet, est un immense poète.
Dominique Brodin
directeur du Centre dramatique de La Courneuve


P.-S. A propos de papiers, il y a trois ans maintenant, notre projet franco-algérien (La nuit du doute et Post-scriptum de l'ami Arezki Metref) avait failli capoter : une main invisible et jamais identifiée avait retenu les tampons des visas de nos amis algériens que l'on attendit ici plus de trois semaines. Il aura donc fallu une bonne dose de velléité ou d'inconscience, à moins que ce ne soit notre inoxydable confiance dans la sagesse humaine, pour oser réitérer pareille aventure à hauts risques. On n'ose pas en rire. Pas encore.
"S'il vous plaît seulement de l'entendre, notre divertissement villageois est fin prêt. Nous sommes quelques uns réunis ici, de ceux que les langues vulgaires traitent de paysans. Et, à vous dire la vérité et ne point vous conter de fable, nous sommes une bande de joyeux drilles, ou plutôt un rassemblement de canailles, euh ! de racaille, euh ! de populace, ou encore, s'il faut parler métaphore, une troupe."
Shakespeare et Fletcher
Les deux nobles cousins (The Two Noble Kinsmen), 1613

L'initiative du Centre dramatique de La Courneuve et de son directeur Dominique Brodin me donne l'occasion à nouveau d'être embarqué pour un aller-retour en compagnie de cette sympathique troupe. Comme en 2003, pour la pièce La nuit du doute d'Arezki Metref, la distribution d'Allers-retours est internationale.
Le choix de réunir des acteurs français, algériens et une allemande, sur un même plateau n'est sûrement pas fortuit, il illustre la volonté de ses initiateurs de débroussailler un chemin, celui de travailler ensemble, par-delà les frontières, non pour les abolir, mais pour qu'elles ne soient plus un obstacle à notre désir de nous connaître et de nous apprécier mutuellement.
Ahmed Khoudi
metteur en scène

Toutes les informations sur cette création, les rencontres, débats, concerts. qui l'accompagnent sont disponible sur le site du centre dramatique via le lien ci-dessus.
Dans le hall du Théâtre, au cour de la Cité des 4000 à La Courneuve, durant toute la durée du spectacle, présentation des expositions "Hanthala" et "Oum", témoignages de Palestine, septembre 2001, par Marie Ponchelet, plasticienne et photographe et Marie-Geneviève Guesdon, documentaliste.
Le samedi 25 novembre à 17 : débat Education populaire / Avenir d'une utopie, avec la revue Cassandre (http://horschamp.org)

"Pourquoi appeler mes pièces "théâtre populaire" ? Je n'utilise pas ce terme arbitrairement, bien entendu, du fait seulement que mes pièces ont une coloration dialectale et que les personnages sont de petites gens, mais parce que j'ai dans l'idée la continuation, le renouvellement du vieux théâtre populaire, d'un théâtre qui parle des problèmes, des questions qui préoccupent le peuple".
Ödön von Horváth

(.) La pièce Allers-retours se présente comme une farce quasi kafkaïenne et se situe sur un pont de bois qui enjambe une rivière tenant lieu de frontière entre deux Etats. Un type est là, en totale errance, expulsé d'un côté, refoulé de l'autre. Lors de ses sempiternels allers et retours, il contribue à l'arrestation de contrebandiers notoires, ce qui lui vaut un laissez-passer lui permettant de retrouver et d'épouser la femme qu'il aime, l'aubergiste d'en face.
Le choix de la frontière ne doit rien au hasard : lieu de tous les arbitraires, de tous les trafics et de toutes les intrigues, elle peut être aussi celui de tous les possibles et de toutes les promesses de renouveau. Horváth utilise la parodie, l'exquise politesse de l'humour n'exclut ici ni la pertinence ni la férocité. (.)
Le Centre dramatique de La Courneuve poursuit ici avec Ahmed Khoudi, metteur en scène associé au Théâtre National d'Algérie, le compagnonnage qui a débuté en 2003. En lui demandant de diriger ce travail avec notre troupe, nous avons fait le choix de renforcer encore l'universalité du propos de Horváth qui se révèle comme un visionnaire. Ce pont, passage symbolique, ne pourrait-on pas imaginer, après tout, qu'il enjambe aussi la Méditerranée ?


Production : Centre dramatique de La Courneuve
en partenariat avec
le Ministère de la culture / DRAC d'Île-de-France
la Région Île-de-France
le Département de la Seine-Saint-Denis
la Ville de La Courneuve
avec l'aide de l'Adami
en collaboration avec le Centre culturel Jean-Houdremont