double album format digipack 1 CD + 1 DVD (DVD incluant un concert enregistré à Lisbonne / le portrait de Tcheka réalisé au Cap-Vert par Eric Mulet / le vidéo-clip de Agonia)
Avec ce second album, Nu Monda (qui signifie: enlever les mauvaises herbes), le compositeur-interprète Tcheka nous offre une nouvelle brassée d'histoires musicales puisées au terreau fertile des traditions capverdiennes. Avec le regard d'un chroniqueur attentif – influence de son ancien métier de caméraman ? – il jette un pont entre différents espaces et époques sonores: tradition et jeunesse, Santiago et toutes les musiques du monde.
Ses compositions sont des traits de pinceau teintés de l'originalité de son art, héritier du "batuque" (1) – traditionnellement joué avec la tchabeta (2) - rythme de la résistance africaine, que ni l'absence de tambour ni la répression de l'époque coloniale n'ont réussi à étouffer.
Par rapport à son disque précédent, Tcheka fait preuve ici de nouvelles audaces. Il contracte, dilate, tantôt plus lent, tantôt plus rapide, vibrant ou intimiste – différents battements du batuque qui, d'après l'artiste, "est encore porteur de nombreuses pistes à explorer". Il s'y mêle parfois des accords de morna, à d'autres moments on le sent plutôt traversé d'influences funk, sans qu'il cesse jamais d'être pure musique capverdienne.
On peut dire de Tcheka qu'il est une sorte de griot pop, conteur d'histoires avec pour toile de fond le sol rural du Cap-Vert, ses animaux et ses plantes, ses rochers, ses chemins, sa sécheresse et ses pluies. Et comme personnage central, son peuple – avec ses Saints, ses fêtes, ses coutumes, ses expressions, mais aussi les thèmes universels de l'amour, de l'amitié, du temps qui passe, des drames, des espoirs et des joies.
Tcheka est une figure de proue du mouvement musical qui a transposé le rythme originel du batuque pour les cordes de la guitare et qui, après avoir apporté un souffle d'air frais dans la musique capverdienne, s'affirme comme un vrai tournant décisif de la musique capverdienne. Nouveau-né, attendant la consécration du baptême. Certains qualifient ce mouvement de "batuque do quintal" – parce qu'il est né au "Quintal da Musica", espace culturel actif dans la ville de Praia, dans les années 2000. Mais l'écrivain Osvaldo Osório, spécialiste de la culture capverdienne, préfère qualifier ces musiques de "chansons narratives", parce qu'elles racontent toujours une histoire.
(1 & 2) Batuque & tchabeta
Le tambour fut longtemps prohibé par l'Eglise et les autorités coloniales portugaises. Mais les femmes capverdiennes trouvèrent un moyen pour contourner l'interdit.
Le batuque est un rythme particulier à l'île de Santiago dans l'archipel du Cap-Vert. Héritier des rythmes importés d'Afrique par les esclaves, il transmet la mémoire collective et l'identité d'un peuple. Né en marge des travaux des champs, le batuque est traditionnellement réservé aux femmes: assises en cercle, elles frappent sur la "tchabeta", un ballot de tissus, en général des pagnes empilés, qu'elles roulent et placent entre leurs cuisses. Véritables tambours d'étoffes, c'est l'épaisseur et la compression de ces tissus qui produisent la variété des sons. Le batuque accompagne un chant, la "finaçon", que les femmes improvisent au gré de leur auditoire et des circonstances. Selon la tradition africaine, les chanteuses commentent les événements du village et célèbrent les fêtes agraires, les naissances, les mariages, les décès. Parfois l'une ou l'autre pénètre le "terrero" (l'intérieur du cercle) pour danser.
Aujourd'hui la rigidité de la tradition vole en éclats: d'un côté les femmes, ne portant plus guère de pagnes, fabriquent leurs tambours avec des sacs en plastique, qui empilés et pliés selon la coutume, produisent des sons d'une grande richesse (à écouter: l'album du groupe Terrero), et de l'autre côté, des jeunes hommes comme Tcheka s'emparent de ces formes traditionnelles, batuque ou finaçon, qui les ont bercés durant leur enfance, pour mieux affirmer leur identité africaine.