Alger-17 avril 2020: Le Coronavirus a emporté l'un des derniers symboles du cinéma anti-colonial et panafricain : Sarah Maldoror. Même si la profession en Algérie ne connait pas assez son nom, Sarah Maldoror était une cinéaste engagée et son parcours était rempli de combats cinématographiques en lutte pour l'indépendance des pays africains dont l'Algérie. Elle a été emportée malheureusement par le Covid 19, le 13 avril dernier à l'âge de 90 ans dans la région parisienne en France. Sarah Maldoror, est née en 1929 au sud-ouest de la France, d'un père guadeloupéen et d'une mère française. La jeune Sarah Ducados, comme indique son nom de baptême, grandit à Toulouse. Très tôt, elle se passionne pour le théâtre. Installée à Paris, elle intègre une École de théâtre et après avoir lu Les Chants de Maldoror du Comte de Lautréamont, elle adopte le nom de « Maldoror », en hommage à l'écrivain.
Assistante de Pentecorvo, Ahmed Lallem et William Klein
Mais c'est à Alger que Sarah Maldoror a fait ses débuts cinématographiques, aux côtés de Gillo Pontecorvo sur le film « La bataille d'Alger » (1965), puis d'Ahmed Lalem dans le documentaire « Elles », dont elle était la première assistante, puis de William Klein pour le doc sur le Festival Panafricain d'Alger (1969). Elle était également l'amie de Assia Djebbar avec laquelle elle partageaient de nombreux combat pour la liberté de la femme.
Son premier film réalisé grâce à l'Algérie
Son premier film « Monangambee » (1969), adaptée de la nouvelle de Luandino Vieira Le complet de Mateus, a été également tourné à Alger. Monagambée est un film documentaire sur la torture et sur l'incompréhension entre colonisés et colonisateurs. Le film a été tourné grâce le concours du département et de l'orientation du Front de Libération National. Mohamed Zinet qui a travaillé avec elle sur le film la Bataille d'Alger, lui servi d'assistant et de comédien. Ce premier film de 15 mn a été sublimé par la musique du Chicago Art Ensemble. Le film s'est vu décerner plusieurs prix, dont celui de meilleur réalisateur, par le Festival de Carthage. Et la majorité de ses films illustrent les luttes de libération en Afrique depuis 1971. Elle fait ses études de cinéma au VGIK à Moscou, elle y fait la connaissance de Sembene Osmane.
En 1966, la famille de Sarah Maldoror déménage à Alger où elle est rapidement accueillie dans la faille du mouvement révolutionnaire du FLN. Le président Ben Bella a fourni à la famille une résidence à Bab El Oued. Son mari Mário Pinto de Andrade, un combattant bien connu de la résistance contre le pouvoir colonial portugais en Angola et élu président du mouvement de libération angolais MPLA depuis 1960 travaillait au FLN et tentait de soutenir le MPLA en Angola depuis l'Algérie. En 1970, un incident s'est produit entre elle et un colonel de l'armée, qui a entraîné une arrestation, puis une expulsion du pays. La mère a ensuite déménagé avec ses deux filles dans la banlieue parisienne de Saint-Denis. Aucun hommage ne lui a été rendu malheureusement depuis en Algérie. Ces deux filles Henda et Annouchka de Andrade sont restés fidèles à son combat et à son idéal. Mais néanmoins c'est sa fille Annouchka qui est resté fidèle à son combat cinématographique. Elle est aujourd'hui directrice artistique du festival international d'Amiens connu pour sa défense pour le cinéma africain et arabe.
La cinémathèque Algérienne qui avait participé à plusieurs hommages pour Sarah Maldoror notamment à Madrid, envisage de présenter son premier film « Monangambee » (1969) et « Elles » d'Ahmed Lalam dont elle a été première assistante, après la fin de cette crise sanitaire.
En mon nom et au nom de la cinémathèque Algérienne, nous présentons une nouvelle nos condoléances à sa famille, à ses filles et que Dieu l'accueille dans son vaste paradis.
Aggar Salim
Directeur de la Cinémathèque Algérienne