Reporters sans frontières met en garde le gouvernement kenyan contre les dangers que représente l'interdiction, promulguée le 30 décembre 2007, des programmes en direct pour les médias audiovisuels. L'organisation dénonce un climat de peur imposé à la presse privée dans la foulée d'un scrutin présidentiel controversé.
"Le black-out sur l'information risque de laisser la rue être gouvernée par la rumeur et l'intoxication. Cette décision est donc dangereuse et contre-productive, dans la mesure où elle interdit de fait tout programme d'informations, impose un climat d'intimidation sur les journalistes et plonge le pays dans la confusion. Nous appelons le gouvernement à privilégier le dialogue avec les directeurs des médias et à leur permettre de travailler librement, de manière à ce que la population soit informée correctement", a déclaré l'organisation.
Le 30 décembre 2007, le ministre de la Sécurité intérieure, John Michuki, a annoncé l'interdiction des "programmes en direct" pour tous les médias kenyans, après l'annonce de la victoire du président sortant, Mwai Kibaki, au terme d'un processus électoral controversé. Dans la foulée, le ministère kenyan de l'Information et de la Communication a expliqué que cette "suspension" avait été ordonnée "dans l'intérêt de la sécurité et de la tranquillité publiques". Le porte-parole du gouvernement a expliqué, dans un communiqué, que "dans l'environnement actuel, certains personnes utilisent les médias pour inciter à la violence" ("In the prevailing environment, some people are using the media to call for violence and to incite members of the public to engage in violence.").
La plupart des médias ont stoppé tout programme d'information et le Kenya est, de fait, plongé dans un black-out sur l'information. Selon des journalistes locaux, la crainte est de voir la police opérer des raids dans leurs locaux et ordonner leur fermeture. Une seule radio privée, Kiss FM, continue de diffuser des programmes de libre antenne. Les journalistes craignent de se rendre sur le terrain, de peur d'être agressés. Deux journalistes de la chaîne privée K24 ont ainsi été attaqués par des manifestants, le 30 décembre, alors qu'ils couvraient des manifestations.
Une première réunion entre l'Association des propriétaires de médias (Media Owners Association, MOA) et le gouvernement a eu lieu le 31 décembre dans la matinée. De son côté, le président du Media Council, l'organe de régulation de la presse, Wachira Waruru, a estimé que la décision du gouvernement était "draconienne" et mettait la liberté de la presse en péril.
La situation est très tendue dans le pays, alors que des affrontements de rue meurtriers ont été signalés dans différentes villes de province et à Nairobi. Selon des journalistes locaux, les informations circulent essentiellement par SMS depuis la suspension des programmes d'information. Sur Kiss FM, la présentatrice Caroline Mutoko a demandé au public de ne pas citer Kiss FM comme la source d'informations dans leurs SMS lorsque ce n'est pas le cas, expliquant que ce type de comportement risquait d'entraîner la fermeture de la station.
Par ailleurs, le signal de la station privée Radio Lake Victoria à Kisumu (Ouest), qui soutenait ouvertement le candidat de l'opposition Raila Odinga, a été coupé. Le directeur adjoint de la radio, Seth Oloo, accuse le gouvernement de "sabotage".
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