Reporters sans frontières presse le président sénégalais Abdoulaye Wade d'engager au plus vite une réforme profonde du régime de la presse au Sénégal, après la condamnation, le 12 septembre 2008, du directeur de publication du quotidien privé 24 Heures Chrono, El Malick Seck, à trois ans de prison ferme pour avoir diffamé le chef de l'Etat.
"Toute l'iniquité et l'absurdité de la loi sur les délits de presse au Sénégal éclatent dans le verdict rendu à l'encontre d'El Malick Seck. Non seulement la diffamation alléguée n'est en rien réparée par la condamnation de ce journaliste à une très lourde peine, mais le gouvernement se retrouve également avec un prisonnier politique sur les bras. A force de ne pas vouloir admettre que la prison n'est pas une réponse dans les cas comme celui-ci, les autorités doivent faire face à la conséquence d'un système liberticide et dangereux", a déclaré l'organisation.
Reporters sans frontières conseille au gouvernement sénégalais de tout mettre en œuvre pour faire libérer El Malick Seck, avant d'établir au plus vite un agenda permettant de réformer la loi et de mettre en place un organe de régulation des médias indépendant, en concertation avec les professionnels du secteur.
Le tribunal des flagrants délits de Dakar a condamné El Malick Seck, le 12 septembre 2008, à trois ans de prison ferme, après l'avoir jugé coupable d'"acte de nature à troubler l'ordre public et à occasionner des troubles politiques graves", "diffusion de fausses nouvelles", "injure publique" et "recel de documents administratifs". Son journal, initialement autorisé à reparaître après l'arrestation de son directeur, a été suspendu pour une durée de trois mois.
El Malick Seck, directeur de publication de 24 Heures Chrono, avait été arrêté le 28 août, quelques heures après avoir publié un article dans lequel il affirmait, en se fondant sur des sources vagues, que le président Abdoulaye Wade et son fils Karim étaient "mouillés" dans une affaire de blanchiment d'argent volé en Côte d'Ivoire.
24 Heures Chrono est l'un des deux journaux privés dont les locaux avaient été attaqués à la mi-août par des inconnus, circulant dans un véhicule administratif, qui avaient détruit des ordinateurs et aspergé de gaz lacrymogène des employés. Le 11 septembre, douze hommes ont été condamnés à 5 et 6 ans de prison ferme pour ces faits, dont plusieurs avaient présenté le ministre des Transports aériens Farba Senghor, récemment limogé du gouvernement, comme le commanditaire des "expéditions punitives".