Journal de bord de la Quarantaine #4 (Récréâtrales-Ouagadougou)

L'équipe des Récréâtrales vous invite à découvrir le Journal de bord de la Quarantaine. Ainsi, vous aurez tout le loisir d'être informé sur ce qui s'y passe au jour le jour... travail réalisé par Olivier Coyette
Journal de bord de la Quarantaine #4 [...]
Genre : Communiqués de festivals
Pays principal concerné : Rubrique : Théâtre
Mois de Sortie : Janvier 2010
Publié le : 18/01/2010
http://lesrecreatrales.blogspot.com/
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Notes dramaturgiques

Ceci n'est pas un inquisiteur libanais…

En guise de préambule, et pour faire suite à notre réunion de ce jour, lundi 18 janvier, je voudrais dire à tout le monde que je rédige seul ces "notes dramaturgiques" ; j'en assume donc pleinement la responsabilité, et pour certaine part la subjectivité, même si j'essaie de résumer au plus près, au plus juste, les discussions que nous avons, tous, au cours de cette Quarantaine.

Je présente mes excuses à l'équipe camerounaise pour les propos qui les ont choqués, jamais au grand jamais mon intention n'a été de leur manquer de respect. Que cela soit dit. Je ne pense pas non plus avoir manqué la compréhension de leur projet, et les notes ont bien été prises après notre discussion, et non sur les seules bases de leur note d'intention. Par conséquent si mes mots recelaient un jugement ou un autre type de regard désagréable à supporter, je les prie de bien vouloir m'en excuser ; qu'ils soient convaincus que, malgré les apparences, je ne suis pas un inquisiteur libanais, ni un percepteur belge…

Je voudrais dire aussi aux Guinéens que je suis sensible à leur travail, respectueux de leur démarche, et que pour moi la rencontre avec eux a été fondamentale en ceci qu'elle a permis de dégager une question dramaturgique cruciale : le recours à l'imaginaire dans le cadre du théâtre de témoignage. Qu'ils soient assurés de mon regard solidaire et fraternel.

Enfin, dire aux Béninois qu'ils soient rassurés, que je suis là, comme les autres sont là aussi, pour "plus", s'ils le désirent ; la Quarantaine n'est pas finie, nous sommes vos serviteurs.

Et à tous les autres, à tout le monde : les questions dramaturgiques nous concernent tous, praticiens, penseurs, et amoureux du théâtre. Nul ne peut assurer détenir seul la vérité, et en même temps, "si nous pensons tous la même chose, c'est que nous ne pensons plus rien". Vive le théâtre ! Vive la Quarantaine ! Bon travail à tout le monde !

Olivier



15/01

Nous questionnons Les convives de Maison-Sapezo, de Liazéré.

Le commentaire sur ce projet sera bref : à la suite d'un malentendu, l'auteur a modifié le texte initial (qui date de 1984), pièce de science-fiction, pour l'accorder avec la thématique des Récréâtrales. Suite à quoi l'équipe dramaturgique reçoit une deuxième, puis une troisième version du texte…

Ce malentendu étant dissipé, nous ne pouvons que saluer les qualités d'écriture de monsieur Liazéré, et souhaiter bonne route à l'équipe de la Côte d'Ivoire.

16/01

Nous questionnons Entre les crocs de la hyène, de Mamadou Adama Bilia BAH projet de la Guinée.

Entre les deux extraits de texte reçus par l'équipe dramaturgique et la version sur laquelle est en train de travailler l'équipe en ce moment, il y a beaucoup de différences, que l'auteur éclaircira pour nous.

De ce texte se dégage la question de l'incarnation, et du discours politique comme manière de traiter le sentiment amoureux.

Peut-on parler de l'Afrique comme on le ferait d'une femme ?

Faut-il "généraliser" un propos à partir d'un exemple concret ?

Le discours politique gagne-t-il à être enserré dans un exemple, ou dilaté dans un ensemble ?

Peut-on "donner des leçons" ? (Faut-il "conclure" un texte ?)

Faut-il en passer par l'imaginaire pour faire du théâtre, et plus spécifiquement pour le théâtre de témoignage ?

"Achever un tableau, c'est l'achever", dit Picasso.

Nous questionnons Les Incessants, de Guy Régis Jr.



Deux versions du texte, né lui-même de deux croisements : Les Incessants, et Haï, honni, détesté.

Il s'agit d'un texte en prose.

Question : comment dramatiser un matériau non dramatique ?

Le texte version 1, est très structuré, avec deux "coups de théâtre" à la fin.

Le texte version 2, lui aussi très structuré, propose en insert des passages directement adressés, rendant ainsi le texte plus "jouant".

Questions : comment traduire sur le plateau ce "monologue" où plusieurs personnages sont représentés ?

Comment concrètement rendre compte des idées "philosophiques" contenues dans le texte : dénombrer pour exister, l'idée d'être un chien, l'idée de passer sa vie face à la mer.

Quel traitement scénique réserver à la langue poétique et chantante de Guy Régis ? Comment traiter le son comme vecteur de sens ?

Dans quel espace travailler ?

Nous questionnons Ici, on sniffe la mort, de Cajou Mutombo.

De ce texte, long monologue politique et poétique entrecoupé de passages plus personnels, plus intimes (souvenirs, détails, réminiscences) ainsi que d'adresses au public, la question qui se pose, une nouvelle fois, est celle du discours politique comme sujet dramatique.

Les passages concrets, personnels, qui pourraient sembler insignifiants au regard de l'Histoire (l'odeur du fûmbwa, l'odeur des plats que lui préparait sa mère…) ne présentent-ils pas des qualités dramatiques suffisantes pour qu'on les traite comme des "grands" sujets ?

Y a-t-il des "grands" et des "petits" sujets ?

Ou au contraire n'y a-t-il que des façons "grandes" ou "petites" de les traiter ?

Quelle est la manière la plus juste d'apporter le politique sur le plateau ?

Retour en arrière, sur la discussion de ce matin avec les Guinéens : deux anecdotes réelles, et "jouantes," à nos yeux (mais qu'en pensez-vous ?) :

- Un homme apprend par sa petite radio la mort du Président de son pays. Pour ne pas être traité de fou, et pour dire que c'est la radio qui est folle d'annoncer pareille nouvelle, il la jette instantanément par la fenêtre.

- Un homme perd la photo de son président (je ne sais pas si je me rappelle correctement cette anecdote) et demande à tous les membres de sa famille où est passée la photo, sans croire personne, ni sa femme, ni ses enfants.

Cette deuxième anecdote ne raconte-t-elle pas mieux que tout discours l'influence que ce Président a sur son peuple ?

Kouam Tawa raconte que, lors d'un atelier d'écriture il y a dix ans, Kossi Efoui lui révèle que tous les textes de Kouam parle de Paul Biya. Kouam comprend qu'il est obsédé par Paul Biya. Kossi lui dit que la véritable victoire du dictateur, c'est qu'on pense tellement à lui qu'il finit par occuper tous les espaces de conversation, tous les espaces mentaux où son absence se fait présence.

Kouam cite Proust et Saint-Augustin sur le singulier et l'universel : deux citations qui se rejoignent.

Encore une fois : le texte de Cajou est-il plus fort quand il évoque telle ou telle situation politique compliquée, ou lorsqu'il évoque tel ou tel souvenir d'enfance, concret, précis ?

Autre question : faut-il traiter ce texte comme un monologue ou comme une polyphonie ?

Comment traiter les passages virulents directement adressés au public, sans que le personnage semble se soustraire à l'Humanité qu'il harangue ?

Comment doser le flux "poétique" de langue avec la précision délicate des souvenirs privés ?

Comment faire se rejoindre l'intime et l'épique ?

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