Le cinéaste belge Thierry Michel a été arrêté, lundi 20 juillet 2009, dans la ville congolaise de Kisangani. Il a été entendu par la sûreté de l'Etat de la République démocratique du Congo, avant d'être remis en liberté.
Il était à Kisangani pour présenter son dernier documentaire, "Katanga Business". Selon certaines sources, le clan Kabila ne verrait pas d'un bon oeil le nouveau film du cinéaste qui présente une image positive de Moïse Katumbi, le gouverneur du Katanga, qui est aussi un rival possible de Joseph Kabila pour les élections présidentielles de 2011.
Suite à l'information mise en ligne le 25 juillet, Thierry Michel nous a transmis le 28 juillet le message suivant :
Suite à mon interpellation par la Sureté d'Etat et à l'interdiction de projections du film Katanga Business à Kisangani ce 20 juillet 09 et suite au démenti du Ministre de l'information de RDC, visiblement mal informé, je tiens à apporter quelques précisions pour dissiper tout malentendu.
Le film a été présenté en RDC plus de 20 fois dans 7 villes, 4 provinces. Cette tournée avait pour objectif de créer un renouveau de la diffusion cinématographique en RDC. Elle s'inscrit dans la logique de la tournée effectuée voici 3 ans avec le film "Congo River". Recréer des conditions de vision collective, faire renaitre la cinéphilie, et bien sûr, permettre aux congolais de plusieurs régions et de villes parfois oubliées de mieux connaitre l'histoire et le présent de leur pays à travers mes images. C'est ainsi que nous avons pu permettre à des publics de Likasi, Kolwezi, etc... de voir leur salle de cinéma réouverte à une activité cinématographique qui n'avait plus eu lieu pour la plupart depuis plus de deux décennies.
Cette tournée était entierement bénévole de ma part, et j'avais obtenu des producteurs la gratuité des droits de diffusion,à titre exceptionnel pour la RDC. L'ambassade de France et la Délégation Wallonie Bruxelles ont pris en charge les frais de voyage et d'hébergement dans les différentes provinces, ainsi que le budget de soutien aux associations culturelles locales partenaires de ces diffusions. J'aiassumé personnellement les autres frais de séjour.
Toutes ces projections gratuites se sont magnifiquement déroulées dans l'ensemble des villes et provinces, suscitant des débats passionnants et passionnés sur l'histoire et le destin de la RDC. Un préfet de collège a même parlé d'éveil des consciences.
Arrivé à Kisangani, dernière étape du périple, à l'invitation de l'ASBL TACCEMS financée par la Coopération Technique Belge et par le Centre Wallonie Bruxelles, et responsable de la seule et récente salle de spectacle de Kisangani "L'espace culturel Ngoma", nous avons projeté le film le soir même, en présence de personnalités politiques de la province représentant la mairie et le gouvernorat. C'était la soirée VIP réservée aux officiels qui tous avaient été cordialement invités.
Le lendemain devait avoir lieu la projection publique pour la population de Kisangani. L'une des rares salles de Kisangani avait été réservée de longue date auprès des autorités académiques et la location de celle-ci acquittée. Des annonces radios et affiches avaient annoncé cette soirée cinématographique.
Deux heures avant cette séance, le pouvoir académique informe l'association culturelle "Espace Culturel Ngoma" que la projection de 18h est interdite à l'université. Les motifs invoqués officiellement sont la nécessité de ne pas déranger les étudiants et le fait que cette matière ne fait pas partie du cursus universitaire. Cela nous étonne vu le contenu didactique de ce documentaire apprécié la veille par plusieurs professeurs de l'université de Kisangani, et moi-même professeur depuis bientôt 20 ans à l'université de Louvain et depuis deux ans à L'ULG Université de Liège. Mais il nous est précisé que cette décision est prise du fait qu'il s'agit d'un film politique et que les "services spéciaux" n'ont pas apprécié ce film !
Dans le même temps un membre de l'ANR (Agence Nationale de Renseignement) vient me chercher à l'hôtel et m'emène à la Direction provinciale de la sureté. Inquiêt, je préviens la presse, mon ambassade et la Monuc. A l'ANR, j'informe les autorités du fait que j'ai informé de nombreuses personnes et que je suis muni d'un badge de journaliste Monuc. La rencontre est courtoise et les services affirme n'être en rien dans la décision de l'Université, décision qui est du ressort des seules autorités académiques.
Sur base de ces informations, nous décidons avec les organisateurs locaux de la tournée d'organiser une projection alternative au Centre Culturel Ngoma pour tous ceux qui ne peuvent voir le film à l'université du fait de l'interdiction. Il s'agit de parlementaires, de membres de la société civile, d'ONG, et de simples spectateurs. La projection commence à 19h30. A 20h le maire de Kisangani oblige l'Espace Culturel Goma d'interrompre brutalement la projection en cours et de quitter rapidement le Centre sous peine de graves ennuis. Il menace l'association de représailles futures s'ils font encore d'autres manifestations de ce type. Il confirme que dorénavant toute projection du film est interdite à Kisangani.
Il s'agit donc bien d'une décision politique prise par le pouvoir politique et non d'une simple interdiction de projection au sein de l'université prise par le pouvoir académique. De nombreuses personnes de Radio Okapi, de la Monuc, des parlementaires et de nombreuses personnalités de la société civile ont été victimes de cette interruption brutale de la projection dans un lieu culturel dont c'est l'activité essentielle.
Très cordialement
Thierry Michel
Pour Info le communiqué du Ministre de l'information : Lambert Mende
Source: Le Potentiel
Date: 23 Jul 2009
Invité du journal parlé de 19 heures sur Télé 7 :
Quant à l'interdit qui frapperait la projection du documentaire'
"Katanga Business" de Thierry Michel dans la ville de Kisangani, Mende aminimisé l'incident. Il ne faut pas monter en épingle un incident somme toute banal. Thierry Michel a été reçu partout, son oeuvre présentée partout. C'est un peu exagéré de dire qu'on a empêche de voir le documentaire à Kisangani. D'ailleurs, lui-même reconnaît que la projection de l'université de Kisangani a été la dernière d'une série dans la ville, a précisé le ministre pour recentrer le débat. Cela procéderait sans doute d'un malentendu entre Thierry Michel et le comité de gestion de l'Unikis qui n'était pas prêt à assurer la projection avec autant d'étudiants, excités par une situation d'examen en cours, a-t-il justifié.