Ce roman de Nuruddin Farah nous semble merveilleusement bien démontrer comment l'Afrique est ce continent sur lequel peut le mieux se jouer à ciel ouvert l'impossibilité que le territoire soit maternel. Le signifiant " mère " traverse tout ce roman, mais comme territoire impossible, comme guerre incessante, comme sang versé, comme séparation irrémédiable, comme un corps mort duquel est tiré, sauvé, l'oeuf de la vie. Les " territoires " se construisent sur la base d'une incessante guerre originaire qui rend impossible le retour dans le territoire maternel pourtant le seul à être convoité.
Ce territoire maternel que le père aussi a défendu au prix de sa vie comme " mère patrie " s'inscrit peu à peu au fil du roman comme territoire impossible, l'impossible s'imposant comme le goût du sang dans la bouche du jeune Askar, comme la constatation stupéfaite que lui aussi, un jour, a des menstrues comme sa mère adoptive Misra, comme la circoncision qui le séparera pour toujours de la relation matricielle avec cette Misra. Le sang de la séparation originaire est omniprésent dans ce livre. Comme le sang qui macule le nouveau-né Askar que Misra découvre auprès du cadavre de sa mère morte en le mettant au monde.
Depuis le début de sa vie, Askar est exilé d'un lien de sang avec celle, puis ceux, qui prendront soin de lui dans un style maternel. Le seul lien de sang est celui de la séparation, à la fois naissance et guerre.