Placée sous le signe de l'exotisme, la femme noire hante l'œuvre de Baudelaire. La présence de ces beautés noires représente le trait saillant des mondes exotiques de l'Afrique et de l'Asie des Fleurs du Mal. Mais qui sont ces femmes noires ? Dorothée l'Africaine qualifiée par le poète d' "idéal de la beauté noire", la Malabaraise, cette indienne au "corps doux", Jeanne Duval, femme noire née en Haïti dont Baudelaire était l'amant pendant vingt ans ? Toutes ces beautés noires correspondent à la soif de spiritualité ou de sensualité de l'auteur des Fleurs du Mal qui affirme : "Plus un esprit est délicat, plus il découvre de beautés originales ; plus une âme est tendre et ouverte à la divine espérance, plus elle trouve dans autrui,[…] de motifs d'amour." Chaque poème est un tableau dont la scène richement tropicale se trouve embellie par la svelte volupté d'une femme indolente. A l'instar du tableau d'Edouard Manet représentant Jeanne Duval.
" Beautés noires de Baudelaire ! Ambiguïté de sens du mot "noir" en tant que beauté. Celle des nuits et celle de la peau ! Il aura fallu plus d'un siècle et demi pour que leur unité nous apparaisse en Baudelaire. Il y aura fallu la sensibilité et la finesse d'analyse d'Elvire MAUROUARD, elle-même beauté noire, pour nous en découvrir et montrer la fusion dans l'œuvre et dans la vie amoureuse du poète : passion déchirée-déchirante pour de belles Iliennes, vécue dans les contradictions de son être social, résolue et sublimée dans sa géniale et bouleversante poésie nocturne. Au-delà, cette synthèse vivante oriente Baudelaire dans sa saisie du nouvel art, celui qui ouvre le romantisme à la découverte de l'Orient et de l'Afrique où le noir s'épanouit en couleurs luxuriantes et se fait sur-réalisme. La vue extralucide d'une jeune sœur de Jeanne Duval a su mettre à nu le cœur pantelant, faire vibrer le cristal des vers et nous rendre l'ivresse d'un regard. Grâce à elle, nous relirons plus profondément le poète. "
Michel LEQUENNE