Née au Cameroun, Juliette grandit en France. Elle y épouse un Béninois, fils de notables, venu pour un doctorat mais absorbé par sa véritable passion : la musique. Lorsque le Bénin renoue avec la démocratie, au début des années 90, le couple décide de s'installer dans ce pays que Juliette ne connaît pas mais qu'elle aborde avec un trop-plein d'enthousiasme : « Mère Afrique, je rentre à la maison ». Mais le couple ira de désillusion en désillusion. Le mari est perçu comme un nanti par le petit peuple béninois. Quant à Juliette, on la traite tantôt comme une blanche farfelue, tantôt comme une rasta idéaliste dont la naïveté mérite d'être exploitée. Corruption et fourberies minent les entreprises du tandem « venu de France ». Leur Case à musique, restaurant-cabaret, doit fermer car le succès public n'empêche pas la déroute financière. Le studio d'enregistrement construit en matériaux locaux s'effondre sous le poids des malfaçons. Parfois abattue mais jamais vaincue, Juliette rebondit en développant un tourisme alternatif dans les cités lacustres du lac Nokoué. Ce qui n'empêche ni la précarité, ni le doute ni les angoisses face aux crises de palu d'un enfant. Mais la crise la plus profonde est celle qui touche à l'identité « C'est où chez moi ?» se demande Juliette. Son récit de l'aventure béninoise, entrecoupé de souvenirs d'enfance camerounais, se termine au service des visas du consulat de France à Cotonou. L'admiratrice de Thomas Sankara découvre qu'on peut éprouver un grand soulagement en renonçant à ses rêves. Dans ce récit d'années de galère, on se demande parfois si c'est la sincérité ou la lucidité qui va prendre le dessus mais, que ce soit l'une ou l'autre, le résultat est un témoignage touchant et plein d'intérêt car il n'élude pas les contradictions du parcours.
Pierre Barrot