Ce ne devait être à l'origine qu'une séance un brin dilettante, une conversation à bâtons rompus, sans règle du jeu bien définie, sans obligation de résultat non plus - une sorte de pause ludique dans la carrière de ces trois artistes. Un coup d'essai, juste pour voir : ce que l'on peut faire ensemble ; ce que l'on a à se dire, à échanger, à partager. Et puis la rencontre a eu lieu, la magie s'est invitée, chacun s'est mis à nu, et en quelques heures d'osmose télépathique s'est cristallisée une musique hors du temps, de celles qu'on ne peut pas préméditer.
Entre Richard, le Camerounais, bassiste surdoué et compositeur secret, indispensable désormais des deux côtés de l'Atlantique, Lokua le Congolais, griot moderne riche d'un univers cosmopolite aussi raffiné que sensuel, et Gérald l'Antillais de Paris, nourri à la Soul et avide d'aventures musicales en tout genre - quelque chose a passé d'essentiel qui transcende les frontières, les parcours individuels, les orientations esthétiques. Et dans ce dégradé de couleurs de peaux, dans ces nuances de grain des voix, entre puissance tellurique et mélancolie caraïbe, au-delà des traditions, des langues et des cultures ancestrales, dans ces chansons graciles toutes d'harmonies fragiles, de mélodies douce amères, et de sensualité ensoleillée, l'utopie légère d'un monde en-chanté a miraculeusement pris corps.